Un peu dures d'oreille, les deux vieilles parlent fort, permettant à tout le monde de suivre leur conversation.
– Hé ben, c'était des belles funérailles ça, ma Gilberte. Ta soeur aurait été contente, j'pense.
– C'était mieux que les funérailles de ton frère en tout cas. Ma nièce avait de quoi payer pour un organiste, elle. Je sais pas que ce t'en pense, Arlette, mais une messe pas d'orgue, je trouve que ça ressemble pas à une vraie messe.
– C'est sûr, quand on fait incinérer, on sauve de l'argent. Pis, en plus, ça évite que tout le monde parle du poids que le défunt avait pris dans les dernières années.
– Oh, ma soeur était pas la pire. Ils l'avaient bien arrangée, elle faisait une belle morte.
– C'est sûr que c'était mieux que notre grand-mère. Tu te souviens-tu?
– Ben oui, heille... Était tellement grosse, les mononcles avaient eu de la misère à sortir le cercueil par la porte après. J'peux pas croire que dans le temps on les exposait dans le salon...
– Ça se peux-tu... Oh, v'là la petite serveuse. Tu prends quoi, toi?
Les deux mémés discutent un moment de leur commande, sous l'oeil impatient de Fernande, résolue à faire tourner rondement son affaire. Finalement, les deux mémés ne commandent chacune qu'un café, qui leur est versé aussitôt.
– C'est dommage que les cousins se voisinent pas plus que ça, hein Gilberte?
– Tu parles de nous autres là ou de mes enfants pis ceux de ma soeur? Ou de ses petits-enfants?
– De nous autres, Gilberte!
– Ah, s'cuse moi, j'étais un peu perdue. Ben, on se voit quand même pas mal.
– Arrête-moi ça! La dernière fois, c'était pour ton frère. Pis ça fait quoi... quatre ans?
– En décembre, oui. Mais les années avant, y'en a eu pas mal.
Les deux mémés sirotent leur café, pensive.
– Tu penses-tu qu'on va se revoir bientôt?
– Pas si c'est pour ma soeur... on est toffe dans famille...
– Peut-être pour matante Émilie.
– Ah ça oui. Dans quelques mois je dirais... Y'avait un de tes fils qui avait pas l'air fort fort non plus...
– Oh, Roger y'a un cancer.
– Tu penses-tu que ça va être lui le prochain?
– J'espère que non, y'en a pour des années encore y paraît. Ça serait plate d'attendre si longtemps.
– Bon, ben ça risque d'être matante Émilie d'abord.
Un coup de klaxon se fait entendre. Un taxi est arrivé. Arlette termine son café, se lève et embrasse sa cousine sur la joue.
– Allez, prends soin de toi. On se revoit au prochain enterrement.
Fernande la regarde partir. L'autre petite vieille sort de sa poche un carnet de téléphone et un crayon usé. D'une main qui tremble un peu, elle raye un nom dans son carnet. Remarquant le regard de Fernande posé sur elle, elle lève sa tasse de café.
– Heille, la jeunesse, tu pourrais-tu me réchauffer ça?
7 commentaires:
=)
Génial, le pire c'est que ça des airs de déjà vu.
Tout juste et ce n'est quasiment pas un texte de fiction !!! C'est tellement ca qui se jase dans ces genres de cérémonies!!
Coomme si je les connaissais ces deux MéMés. LOL
Et le titre convient bien à la réouverture du Delicatessen !!!
@Pierre : En effet "quasiment pas un texte de fiction" ;p
C'est pas le 2e texte que Geneviève publie au Delicatessen ? Me semble que je me rappelle qu'il y en avait un autre ? Je rêve ?
LOLOL! C'est vrai que ça ressemble pas mal à la vraie vie... Ça doit être pour ça que j'ai horreur des salons funéraires!
Belle exploitation du thème, Gen! Ça défoule un peu je suppose... :)
@Richard : T'as raison, y'en avait un autre... On dirait qu'il a disparu. Pas grave : je vous en pondrai d'autres! ;)
Affirmatif! Geneviève a publié ici, #6 dans les épisodes précédents.
Définitif, je le laisse ouvert! Le café est pas trop fort?
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