— Envweille le slowmo, monte les marches, y chauffe pas l’dehors icitte
— Écoute, j’ai pas un moteur dans l’cul moé là. Slaque un peu, la vieille
— Arrête de radoter pis embraye.
— Ouais, ouais..c’est ca
Toujours la même histoire avec Florence et Maurice. Se tirer la pipe et se picosser, c’était leur façon de se câliner à l’insu de tout le monde. Ils franchirent la porte du resto à Fernande en cette journée de tempête hivernale.
— Tu veux-tu la table dans l’coin ou ben la banquette du fond à matin ?
— Flo, tu l’sais qu’ c’est à ton tour de choisir. Tu trouveras pas à me le r’noter c’te fois-citte. .Essaye pas !
— Tu vois toujours des pognes où c’qui y’en a pas toé. On prend la table dans le coin d’abord
— Comme si t’avais hésité, tsé. Tu veux toujours la table dans le coin, ça change rien
— Ah…commences pas pis vas-donc chercher les journaux pis….
— Ouais, ouais..pis oublie pas le cahier-Réno-Bricotruc.
Maurice se dirige vers le présentoir en marmonnant tout bas : Cahier Réno-Patentes à gosses de bonne femme, tu veux dire.
— Qu’est-ce que tu dis, Phil ? lance Florence avec aplomb
— Heu..rien, j’ disais juste : Maudit sciatique à marde, tu m’gosses à matin
— Wein, c’est ça, on va dire…
Maurice revient à la table, dépose les journaux et le couple plonge chacun dans leur lecture en attendant la serveuse.
— R’garde Flo, Y’a une Pas-Vite qui d’mande à Mésange Harvey si a devrait pas accepter une autre femme dans son lit. Comme ça, son mari aurait pas besoin de découcher dans la semaine pis que ça la stresserait moins comme ça. Non, mais faut-tu être gougounne un ti-peu !
— Tu sais-tu ce qui est plus gougounne que d’écrire des conneries d’même à Mésange Harvey ?
— J’pense que plus gougounne que ça, tu meurs, affirme Maurice, sûr de lui.
— Plus gougounne que ça, mon ti-Momo d’amour, c’est ceux qui lisent ces conneries là !
Maurice ravale sa salive en haussant les sourcils.
— Wein, c’est ça. Tu peux ben faire c’te face là, dit Florence
— Ben quoi?
— C’est ça
La serveuse se pointe à la table. C’est une nouvelle serveuse.
— Bonjour, je suis Fiona, la nièce à Fernande. Je suis nouvelle et je travaille les week-ends. Je peux prendre votre commande.
— Enchantée de te connaître, Fiona, dit Florence. Pour nous, on va prendre comme d’habitude : Deux spécial lève-tôt
— Pis moi, j’veux un grand verre de lait avec ça, enchaîne Maurice
— Un verre de lait ? répète Fiona avec hésitation
— Oui…, un grand verre de lait en même temps que l’assiette s.v.p
— Heu..oui..c’est noté. Faites-moi signe si vous avez besoin de quelque chose d’autre.
Et elle tourne les talons vers la table voisine.
— Coudonc, Qu’esse qu’y ont toutes à me r’garder comme si j’étais un pédophile quand j’ commande un verre de lait. C’est tu rendu illégal de boire du lait à mon âge. À m’a ben pointé son rack à 3000 piastres dans face pis j’lai pas dévisagé comme un extra-terrestre la Mam’zelle Silicone-Regardez-moé-dans-les yeux-si –t’es-capable !
— Non, mais tu r’gardais pas le plafond hein ! réplique Florence. Tu saurais même pas m’ dire la couleur de ses cheveux
— Ben..heu…J’dirais châtain pâle..comme blond un ti-peu…
— Wein…c’est ça.. Continue à regarder ton journal
Maurice plonge dans son cahier préféré : Les Sports
— Ah ben Simonac! En plus de couvrir la moitié du cahier de tableaux de stats que personne r’garde, pis d’articles insignifiants pour faire à croire qu’y a du contenu, c’est deux de pique de Scabs là nous bourrent de vielles nouvelles que j’ai lues partout hier!
— Arrête, c’est toi qui en perd des bouttes , j’pense
— Hey…Je l’sais moé que c’est d’la vieille nouvelle.. R’garde, c’est écrit : Price, le héros du match. Pis, c’est qu’y ont perdu 8-5 hier
— Tu l’sais ben que même s’il perde 12-2, que Price va avoir une étoile pareil..Faque ça tiens pas la route ton argument.
— Non, non, j’te l’dis…Y remplissent leur torchon de vielles nouvelles. C’est des arnaqueurs pis c’est toute ! Y me font suer ! gronde Maurice en faisant sursauter les tables avoisinantes
— Calme toé…Ta pression va monter pis on a pas tes pilules avec nous autres.
— J’hais ça me faire niaiser. Y nous prennent pour des caves !!
À ce moment précis, la porte s’ouvre dans un brouhaha soudain. Joey, le camelot entre avec ses grosses bottes pleines de neige et dépose deux piles de journaux bien ficelés
— Désolé M’dame Fernande pour le retard, c’est l’enfer à matin. J’suis déjà en retard de deux heures.
Florence regarde son Maurice avec ses jolis yeux du Dimanche.
— Alors, mon gros nounours, c’est qui l’cave à matin ?
— ….Wein..heu….ben, c’est ça là …
Maurice se lève pour aller chercher le journal du jour en clopinant. Quand il revient, il esquisse son sourire coupable le plus niais et Florence lui retourne en disant :
— C’est ça !
Ce matin Florence était aux anges, elle put lire deux cahiers Réno-Brico au complet sans interruptions et dans un silence exemplaire.
7 commentaires:
lol! C'est toujours un plaisir de déjeuner au Délicatessen! :)
J'ai bien rigolé en ce chaud petit matin (fait -1 en Abitibi ;o)
Du Pierre H. Charron à l'état pur ;o)
MDR ! Mon souhait s'est réalisé. Pas charitable mais j'espérais que Maurice-Pierre bitche Price, un peu ! J'me sens moins toute seule.
Bravo.
Vraiment, ce Delicatessen, on peut pas y résister.
Ha!!! un délice =) Vraiment un délice.
À quand la revanche de Grognon?
Pour Price, j'ai pas pu m'en empêcher :) Mais cette année, disons que j'écorche beaucoup plus les Médias qui en beurre épais un ti-peu !! So-So-SO solidarité,Sylvie ;)
Pis une Revanche pour Grognon ...Ouais ! ..C'est vrai que la Futée a un trop beau rôle !
Pourtant, je ne suis pas d'accord moi. Tu ne m'as pas attribué le beau rôle comme ça par hasard ;)
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